A propos d’Arts et de publics des Arts, il devient de plus en plus difficile de rappeler que nombre, ici, ne signifie plus forcément qualité.
C’était le cas dans la Tunisie de l’après-Indépendance, oui. Du temps des bâtisseurs. Quand le peuple, à peine libéré, ne fut occupé qu’à forger sa culture et son éducation. A l’époque, il y eut vite coïncidence. Arts et publics se valaient. S’«équivalaient ». Se complétaient.
On côtoie, hélas, l’inverse, depuis. A peu d’exceptions près,tout ce qui attire foule ne vole pas haut. Ne vole plus jamais haut.
Vérifié, partout. Dans la chanson, les audiences et les ventes battent des records grâce au genre léger, simplet. Au théâtre, plus de drames, plus de comédies, que des «stand up». A la télévision, du show, des plateaux, les culturelles sont bannies. Sur le web, pas la peine de voir, d’écouter, on clique et on compte les vues. La politique, même, est touchée. Le populisme brasse, de plus en plus, de populations, balise la voie à des apprentis dictateurs, uniquement parce que son discours cible les franges naïves, choisit la facilité.
Difficile d’y rappeler parce qu’en fait, la tromperie est double.
Il y a bien sûr que le recul de la Culture et de l’éducation affaiblit le sens critique. Et favorise la médiocrité. Les «dérives», de la révolution n’expliquent pas tout. La Culture ne fait pratiquement plus partie de notre projet politique, voilà déjà près de quatre décennies. Quant à nos écoles et nos universités publiques, elles périclitent, elles aussi, depuis un bon bout de temps. Les Arts et les talents résistent peut-être à la «dégringolade», mais en termes de public ils n’ont plus vraiment d’équivalent. De répondant. Les envolées triomphales sur les festivals à guichets fermés ne correspondent à rien. Quelques dizaines de milliers qui se «reproduisent» (la même élite minoritaire) chaque saison. Pour le reste, croît l’analphabétisme. Croît l’illettrisme. Croît la pauvreté. Parler de Culture, d’Arts et de publics des Arts dans ces conditions….
Il y a surtout que les «bénéficiaires» eux-mêmes finissent par y croire. Les chanteurs de mauvaises chansons, les interprètes de stand-up, les amuseurs de show télé prennent leurs petits milliers d’habitués pour l’ensemble du public tunisien. Ils étalent sans cesse leurs egos, ils clament leur «génie».
Ils réécrivent, en quelque sorte, les Arts et leur Histoire. Terrible tromperie.